Le Yagour, haut plateau d’alpage

Dans ce Haut Atlas occidental qui barre tout l’horizon au sud de Marrakech, et que pénètrent de hautes vallées abruptes et encaissées, les plateaux sont très rares. Celui de l’Adrar Yagour est l’une de ces précieuses exceptions. Il se cache derrière une haute crète de grès rouges qui culmine aux 2700 m de l’Adrar Yagour, d’où l’on domine Marrakech et la plaine du Haouz. Derrière cette barre sombre, il s’étale sur plus de vingt kilomètres de long depuis l’Oued Zat à l’est, jusqu’à l’Oued Ourika à l’ouest, pour quatre à cinq kilomètres de large.

Pour parvenir sur ce haut plateau, mieux vaut contourner sa face sud, fière falaise déchiquetée de grès rouge, presque verticale, dans laquelle quelques rares couloirs creusés par l’eau offrent néanmoins des accès que les plus aventureux apprécieront, si tant est qu’ils les trouvent…

Cette falaise n’est pas dénuée d’intérêt. Outre la vue somptueuse qu’elle offre sur la plaine de Marrakech, elle abrite une source d’eau légèrement gazeuse au-dessus de laquelle se déverse, comme une douche depuis la falaise en dévers, une petite chute d’eau.

Les flancs du plateau offrent de nombreux accès plus faciles que les hommes pratiquent depuis des temps très reculés. Le plateau du Yagour est en effet réputé pour la richesse de ses gravures rupestres. Il compte une vingtaine de sites, dont huit sont considérés comme importants, notamment celui de Talaat n’Iisk, vers l’Est.

C’est d’ailleurs dans son côté oriental que le Yagour est le plus accessible, quoique jamais sans effort. Trois heures de marche sont nécessaires depuis Azgour, sur l’oued Zat, à travers la forêt de chênes-lièges ou d’une piste récemment tracée. Il est également accessible depuis les nombreux douars qui s’égrènent sous l’arête du Yagour. Chacun de ces douars qui cultivent leurs terrasses de moyenne altitude, dispose, à cette même distance de marche, de terrains de parcours où leurs bergers font paître leurs moutons et leurs chèvres aussi longtemps que les rigueurs de l’hiver et la neige ne les en empêchent pas.

Chaque douar dispose d’azib (bergeries), sommairement bâtis en pierres, dans lesquels leurs bergers ils rassemblent leurs troupeaux pour la nuit. Ils se relaient dans ce travail, à tour de rôle, selon une durée définie au prorata des têtes de bétail de chacun.

Seuls les bergers du douar de Ouarzast, où s’achève la piste qui monte depuis le Zat un peu avant Azgour, ont le privilège de pouvoir rentrer le soir s’ils le souhaitent depuis leur azib à leurs maisons, une grosse heure de marche plus bas.

Du côté de la vallée de l’Ourika, l’accès est plus long, quoique plus usité par les randonneurs, en raison d’abord de sa proximité avec Marrakech. On monte vers le Yagour par plusieurs douars, Tizi n’Oucheg, Aguerd, ou encore Ouigrane. Le plateau sur son flanc ouest atteignant son point culminant, il se révèle plus lointain, et l’ascension se coupe avantageusement d’une nuit dans un gîte juste sous le plateau.

Qu’on y accède par l’est ou l’ouest, la traversée du Yagour vient en saluer inévitablement son maître, le Meltsène (ou Maldsane), dont l’imposante pyramide de granit blanche domine de ses 3595 mètres l’ensemble du plateau, et bien au-delà. L’Adrar Meltsène est présumé sacré. Le nombre de sites de gravures à ses pieds et l’étymologie l’y incite. Yagour vient d’agourram, qui signifie saint en berbère, et pourrait signifier lieu sacré.

Le cirque du Meltsène écoule ses eaux devant l’Azib Zguigui, dont les bergers viennent du douar Ighray, dans un oued blanc comme le granit arraché à ses flancs.

Le plateau se traverse communément en deux journées de marche, parfois trois lorsque l’on prend son temps, notamment pour découvrir le lac temporaire Iferd Yagour, trop souvent à sec.